Diminuer l’entropie, une nécessité pour tous les associés

La notion d’entropie, issue des travaux de thermodynamie, témoigne du niveau de désorganisation d’un système. Moins les éléments d’un système sont liés entre eux, sont ordonnés, plus l’entropie est élevée.

Les particules composant toute matière sont en perpétuel mouvement, dans une agitation aléatoire. Si le système est isolé, l’évolution naturelle se fera vers le désordre, et l’équilibre sera atteint lorsque l’entropie sera maximale.

Ces notions trouvent un écho formidable lorsqu’elles sont transposées à la gestion d’équipe et à l’entreprise. Chaque salarié peut être assimilé à une particule, en perpétuelle interaction avec d’autres. Ainsi plus le lien entre eux sera important plus l’entropie sera basse.

Et comme l’entreprise n’est pas un système isolé, nécessairement interdépendant avec son milieu, l’équilibre sera atteint quand l’entropie sera la plus basse possible. Richard BARRETT*, un des pionniers dans l’étude des organisations, a ainsi développé le concept d’« Entropie culturelle ».

Ce terme regroupe l’ensemble des éléments qui pénalisent la bonne marche de l’entreprise, son efficacité : les tensions entre les dirigeants, les consignes et les procédures peu claires ou non appliquées, les frictions entre les salariés. L’entropie d’une entreprise permet de quantifier la quantité d’énergie dépensée pour faire des choses inutiles et non productives.

Au final, plus l’entropie culturelle est élevée, moins les salariés sont motivés, et moins l’entreprise est performante vis-à-vis de ses clients.

La responsabilité de l’équipe dirigeante

« La transformation organisationnelle commence par la transformation personnelle des dirigeants » Richard BARETT

L’entropie culturelle est directement liée à la somme des entropies individuelles des dirigeants. Diminuer l’entropie culturelle passe donc par une amélioration de l’entente entre associés, puis à une optimisation permanente des organisations, procédures et principes de fonctionnement.

L’entropie individuelle et la capacité à diminuer l’entropie collective sont très variables d’une personne à l’autre. Une des qualités majeures du leader est justement d’agir en permanence pour maintenir au plus bas l’entropie culturelle. Le leader est donc nécessairement empathique et bienveillant, comprenant les enjeux des relations entre les équipiers, œuvrant pour prévenir et apaiser les tensions.

Entropie individuelle et ego

L’entropie individuelle est directement en lien avec le niveau d’ego de chacun. Car nous avons tous notre ego, plus ou moins fort certes mais toujours présent, il est inhérent à toute existence.

Etant le maître de nos réactions dans les relations interpersonnelles, impossible de parler d’entropie culturelle sans parler de l’ego de chacun de ses dirigeants associés. Soit il est visiblement faible pour des raisons bien souvent historiques et personnelles (« je ne vaux rien », « mon avis n’a pas d’importance », …) et se créera alors rapidement des jeux psychologiques ou des jeux de pouvoir qui seront destructeurs pour l’équipe.

Car ce type de réactions dénote au contraire un jeu pour gonfler son propre ego (« Dites-moi que je sers bien à quelques chose ») en faisant plonger les autres dans mon jeu (« Ils sont obligés de tenir compte de moi sinon je me mets en opposition voire en arrêt »). La première cause de sabordage d’une équipe est ainsi le manque de confiance en soi d’un ou de plusieurs équipiers.

Soit il est particulièrement développé (« Moi, moi, moi », « Moi, je… », « les autres sont nuls ») générant un sentiment de supériorité et une grande difficulté à accepter que les idées et opinions des autres associés aient de l’importance et de la pertinence, ce qui se traduira par une augmentation de l’entropie culturelle.

Lorsque l’ego traduit en réalité une peur

Derrière cette pseudo-forteresse individuelle de l’ego se cache en réalité une faiblesse, une peur : la peur de ne pas exister, de ne pas être reconnu à sa juste valeur, la peur d’être jugé comme moins bien que l’autre.

Hélas, la notion que le bonheur n’est accessible que par sa propre croissance personnelle est fortement partagée dans le monde moderne occidental. Elle conduit implacablement à l’augmentation de l’entropie personnelle.

Car plus il y a de l’ego, plus il y a de la peur, et inversement. Plus le « Je » possède, plus le « Je » a peur de perdre ce qu’il a, plus le « Je » a peur de ne plus continuer à croitre, etc…. Et plus le « Je » a peur de perdre, plus le « Je » se rassure en accumulant les possessions. Plus le « Je » a peur de ne pas exister, plus le « Je » s’affirme en prenant le pouvoir sur les autres.

Ces croyances profondes sont ancrées en nous dès notre plus jeune âge. Elles provoquent un comportement réflexe de l’ordre de l’inconscient, ce que Serge Marquis*, médecin spécialiste de la santé des organisations, a baptisé « l’activité mentale ego ». Sortir de ces injonctions est possible mais elle demande un effort, un travail, une véritable discipline.

Cet éveil est un long chemin. Il nécessite un entrainement régulier et permet d’aboutir à faire le pas de côté, à prendre quelques secondes pour s’observer soi-même et combattre les émotions instantanées qui naissent en nous à une vitesse vertigineuse, à prendre le dessus sur la réponse automatique proposée par notre ego.

Ce qui permet alors de diminuer son entropie personnelle et de diminuer son aptitude à faire gonfler l’entropie culturelle de l’organisation. Car le combat des egos entre associés se traduit par une forte augmentation de l’entropie culturelle, symbole de perte de temps, de sérénité, de motivation et au final d’efficacité.

Piloter ses émotions et non se laisser piloter par elles

Les sources de stress sont particulièrement nombreuses en structure vétérinaire (gestion des urgences, pression des clients, gestion des temps de rendez-vous, management), les journées sont bien souvent interminables et les nuits de garde apportent leurs flots de fatigue.

Ce stress et ce fréquent épuisement sont le terreau fertile des émotions débordantes, des zones de frottements des egos, et de l’augmentation au final de l’entropie culturelle. Il est classique et facile de penser que la faute est chez l’autre, que c’est donc à l’autre de changer.

Chacun a toujours sa part de responsabilité dans l’augmentation de l’entropie collective. Soit en tant qu’acteur direct de cet accroissement en critiquant sans vraiment savoir, en lançant des remarques négatives sur l’absent du jour.

Soit pour ne pas avoir su faire le pas de côté suite à ce type de remarques désobligeantes, ne pas avoir donné du feedback bienveillant et constructif à son associé pour l’aider à prendre en compte les conséquences de ses émotions.

Maintenir l’entropie collective à un bas niveau est un objectif incontournable. Cela oblige chaque associé à travailler sur lui-même, à prendre conscience que chacun est responsable de 50% de la relation à l’autre pour son propre plaisir et pour celui de l’ensemble du système. Chacun est une partie du problème, donc chacun est une partie de la solution.

Références :

  • Richard BARETT, L’entreprise inspirée par les valeurs, 2017, Editions DE BOECK
  • Serge MARQUIS, Pensouillard le hamster, 2011, Editions Transcontinental

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