Des droits et devoirs de la communication vétérinaire

Le nouveau code de déontologie entré en vigueur en mars 2015 apporte des changements significatifs en termes de droits et devoirs de communication. Jacques Guérin, Vice-président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires nous apporte son éclairage sur ces évolutions.

Vous êtes Vice-président du Conseil National de l’Ordre des Vétérinaires (CNOV). Comment en vient-on à prendre ces responsabilités au sein de la profession ?

Jacques Guérin : Je suis diplômé de l’École Nationale Vétérinaire de Nantes en 1988. Après avoir pratiqué quelques mois en médecine rurale dans le Cantal, je suis retourné dans ma région d’origine à Rennes, d’abord en tant que salarié, avant de m’associer. Je me suis ensuite associé à Malestroit, dans le Morbihan, jusqu’en juin 2015 au sein d’une société résolument tournée vers les productions animales ; mon exercice étant plus particulièrement dédié aux grands ruminants.

L’aventure de la construction d’une telle entreprise multi-filières, multi-services, adhérente à un réseau de compétence, le réseau Cristal, a été passionnante. La gestion de la structure nécessitait une ossature administrative forte, ainsi qu’une connaissance des aspects réglementaires (code rural, code de la santé publique, formes d’exercice…), qui m’ont conduit à m’intéresser plus avant à ces domaines.

J’ai été élu au Conseil régional de l’Ordre (CRO) de Bretagne en 2001. De fil en aiguille, je suis élu au CNOV pour un premier mandat en 2004, puis dernièrement réélu en 2013 pour un mandat de 6 ans. J’assume depuis 2010 la fonction de Vice-président.

Je n’exerce plus aujourd’hui directement la médecine et la chirurgie des animaux, eu égard au temps que je consacre à mon mandat ordinal. Les deux aspects de ma vie professionnelle sont devenus incompatibles ; un choix s’est imposé. Néanmoins, j’exerce toujours ma profession à titre libéral aux travers de missions auprès des compagnies d’assurances. J’explore aussi un domaine passionnant, suite à une formation spécifique, celui de médiateur au service de la résolution amiable de différents entre personnes.

« Le nouveau code apporte une nouvelle liberté de communiquer et de nouvelles responsabilités aux vétérinaires. »

Pouvez-vous rapidement nous dire quelques mots de vos missions au sein du CNOV ?

Jacques Guérin : Mes débuts ont été portés par le dossier de la transposition de la Directive Services en droit français. Ma connaissance des productions animales a été le moteur de mon implication dans les sujets relatifs à l’exercice professionnel.

Puis dernièrement le pilotage de la refonte des systèmes d’information et de communication de l’Ordre a occupé pleinement mon temps. Ces travaux ont été majeurs pour la refonte de notre code de déontologie, qui permet maintenant de donner de nouveaux repères à la profession vétérinaire pour les 12 à 15 ans à venir.

Aujourd’hui, ma mission est plutôt transverse sur tous les sujets. J’ai à cœur de rester connecté à la réalité du terrain et des questions que la profession se pose, même si les dossiers du moment portent sur la réforme de l’Ordre des vétérinaires et l’impact des modifications territoriales sur nos instances régionales.

L’Ordre travaille également sur les décrets d’application de la Loi d’Avenir pour l’Agriculture et la Forêt, les dossiers européens liés aux professions réglementées, et participons à faire de la profession vétérinaire un acteur reconnu du bien-être animal.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les changements apportés par le nouveau code de déontologie vétérinaire en termes de communication ?

Jacques Guérin : La communication est désormais libre tant sur la forme que sur le fond, tout en précisant d’emblée que le vétérinaire a désormais une responsabilité accrue quant aux informations qu’il communique. Elles doivent être honnêtes, loyales, vérifiables, ne doivent pas abuser de la crédulité des clients et ne doivent pas revêtir un caractère commercial ou promotionnel.

Par ailleurs, des informations minimales doivent être obligatoirement apportées par le vétérinaire au public pour éclairer les conditions et les modalités dans lesquelles l’animal est pris en charge (Identité du vétérinaire en exercice dans l’établissement de soins, n° d’inscription au tableau de l’Ordre, horaires d’ouverture…).

Aujourd’hui, quel retour avez-vous des vétérinaires sur ces évolutions ?

Jacques Guérin : Lorsque le nouveau code est entré en vigueur, nous avons eu des questions de la part des confrères qui exprimaient leur incrédulité en découvrant l’ampleur de la liberté de communication dont ils disposent désormais. Les questions portaient surtout sur les supports autorisés.

Aujourd’hui, les CRO nous remontent essentiellement des remarques de vétérinaires qui n’ont ni l’état d’esprit, ni les moyens d’investir dans la communication, et qui jugent à ce titre déloyale la communication d’un confrère disposant de ressources suffisantes pour le faire. Pour l’instant, les chambres de disciplines n’ont pas eu à juger d’affaire sur le fondement du nouveau code de déontologie, il est trop tôt.

Par voie de conséquence, l’Ordre ne dispose pas d’éléments jurisprudentiels de référence. L’Ordre s’inscrit d’abord, toujours et avant tout dans une démarche pédagogique de prévention, en s’efforçant de répondre aux questions des confrères de manière claire, professionnelle et homogène sur l’ensemble du territoire national.

Les vétérinaires doivent également prendre conscience que la communication n’est pas seulement affaire de déontologie. Elle est concernée aussi par le code de la santé publique, qui encadre avec précision toute forme de publicité relative aux médicaments vétérinaires, non seulement pour les laboratoires fabricants mais bien évidement aussi pour les vétérinaires dans l’information qu’ils véhiculent à leurs clients.

Quelles actions avez-vous mises en œuvre pour faire connaître ces changements aux vétérinaires ?

Jacques Guérin : La presse professionnelle a été un bon relai des évolutions du code de déontologie. Tous les conseillers ordinaux ont été mobilisés pour intervenir et pour expliquer lors de réunions confraternelles régionales les changements apportés par ce code dans l’exercice vétérinaire, dont la communication.

Par ailleurs, le nouveau site internet de l’Ordre www.veterinaire.fr constitue une excellente ressource documentaire complémentaire qui permet aux vétérinaires d’approfondir la matière à travers un code de déontologie commenté et bientôt à travers un index juridique de référence. Enfin, les revues trimestrielles de l’Ordre, notamment celle parue en août 2015, apportent des éclairages réguliers sur le sens à donner aux évolutions de ce code de déontologie 2015.

Les vétérinaires doivent s’en imprégner, vivre positivement leur déontologie qui, in fine, agit comme un label de la haute qualité de leur exercice professionnel.

Quel message souhaitez-vous porter aux confrères ?

Jacques Guérin : Nous menons actuellement une action quasi quotidienne pour que notre statut de profession réglementée demeure reconnu par l’Union Européenne, c’est-à-dire que la double condition du diplôme et de l’accès réservé à l’exercice de la médecine et à la chirurgie des animaux demeure, au titre de l’intérêt général, la norme. Les vétérinaires doivent être conscients de la fragilité de ce statut.

« Il est possible de faire de la publicité dans un cinéma local, dans des annuaires, sur internet.., dès lors que les informations diffusées sont conformes et que le contenu ne revêt pas l’aspect d’une communication commerciale. »

Il nous donne certes des droits, mais aussi d’immenses devoirs dont celui de ne pas exercer notre profession comme un commerce, que ne doit pas occulter la liberté de communiquer dont nous disposons désormais. J’ai confiance dans les vétérinaires pour ne pas utiliser cette liberté de façon déviante et abusive c’est-à-dire pour préserver le respect et la dignité qui sied à toute profession réglementée.

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